Petit rappel sur la Cour Internationale de Justice
Juridiction permanente à compétence générale, elle participe à l’universalité des Nations unies dont elle est l’organe judiciaire principal. Elle a été créée, en même temps que l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et le Conseil économique et social, par la Charte des Nations unies de 1945. Son siège, le « Palais de la Paix » se trouve à La Haye (Hollande).
La CIJ exerce deux fonctions distinctes : elle a vocation à régler les litiges que les Etats (et seulement les Etats) lui soumettent et elle remplit une fonction consultative, par le moyen des avis qu’elle formule à la demande des autres organes des Nations unies ou d’institutions spécialisées des Nations unies (et d’eux seuls).
La Cour ne peut trancher un litige opposant deux Etats que si l’un et l’autre acceptent sa juridiction. Ce que la France a cessé temporairement de faire à la suite des décisions rendues dans l’affaire des essais nucléaires sur la requête de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, en 1974 ; 10 ans plus tard les Etats-Unis l’imitaient après que la Cour se soit déclarée compétente pour connaître de la demande du Nicaragua qui se plaignait de leurs activités militaires et paramilitaires. C’est aussi la raison pour laquelle la justice internationale a été pratiquement paralysée durant la guerre froide. Depuis la fin de la guerre froide, l’activité judiciaire de la Cour a sensiblement augmenté. Elle a notamment été saisie par plusieurs pays africains, des pays latino-américains et des pays d’Europe centrale.
Quant à sa fonction consultative, elle a porté sur des questions aussi variées que la notion de « dépenses des Nations unies », les conditions d’admission d’un Etat aux Nations unies, la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires. Ses avis consultatifs n’ont pas force obligatoire comme les arrêts qu’elle rend en matière contentieuse, mais ils s’imposent généralement en raison de leur autorité morale et sont placés sur le même plan que les arrêts quand il est fait état de la jurisprudence de la Cour.
La Cour est composée de 15 juges élus pour neuf ans (et rééligibles) par tiers tous les trois ans. C’est « un corps de magistrats indépendants élus sans égard à leur nationalité... » [1] . Afin de réaliser l’universalité de la Cour, les juges élus doivent assurer, « dans l’ensemble, la représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde » [2] . Cinq d’entre eux proviennent des Etats membres permanents du Conseil de sécurité, trois sont européens, trois sont africains, deux sont asiatiques et deux sont latino-américains. L’actuel président de la Cour est chinois.
Genèse d’une démarche
Il faut rappeler qu’après le faux démarrage de la « feuille de route » et la démission d’Abou Mazen, l’Observateur permanent de la Palestine auprès de l’Organisation des nations unies (ONU), Nasser al-Qedwa, s’était plaint auprès du Secrétaire Général, par lettres des 1er et 3 Octobre 2003, de la construction du mur par Israël et de ses activités de colonisation. Puis la Syrie, en sa qualité de président du groupe arabe, a demandé au nom des Etats membres de la Ligue Arabe que le Conseil de sécurité se penche sur la décision prise par Israël de continuer à construire son « mur expansionniste de la conquête dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est » et sur la poursuite de ses activités d’implantation de colonies de peuplement.
Lors de la séance qu’il a tenu le 14 Octobre 2003, le Conseil de sécurité a examiné un projet de résolution pour la rédaction duquel les membres du groupe arabe avaient tenu compte des critiques et suggestions des représentants des pays européens siégeant au Conseil. La résolution n’a pas été adoptée en raison du vote négatif des Etats-Unis. Le lendemain, la Syrie a demandé la reprise de la dixième session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale, en vue d’examiner le point 5 intitulé « mesures illégales prises par Israël à Jérusalem-Est occupée et dans le reste du territoire palestinien occupé ». Sa demande a été soutenue par le Mouvement des pays non-alignés et par l’Organisation de la conférence islamique ).
L’Assemblée générale a repris ses travaux le 20 Octobre 2003. Elle a adopté le lendemain, 21 Octobre 2003, une résolution présentée par les 15 pays de l’Union Européenne et les 10 pays qui vont les rejoindre le 1er Mai. Cette résolution, qui esquisse une diplomatie européenne avec quelques mois d’avance sur le calendrier européen, et qui a été adoptée par 144 voix contre 4, avec 12 abstentions, exige qu’ « Israël arrête la construction du mur dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et ses alentours, et revienne sur ce projet qui s’écarte de la ligne d’armistice de 1949 et qui est contraire aux dispositions pertinentes du droit international » et prie « le Secrétaire général de rendre compte périodiquement de la façon dont la présente résolution est respectée, son premier rapport devant être présenté dans un délai d’un mois, après quoi de nouvelles mesures devraient être envisagées, le cas échéant, par les organismes des Nations unies. »
Le Secrétaire général ayant déposé, le 24 Novembre 2003, un rapport qui constate le non-respect de la résolution du 21 octobre 2003, le président du groupe arabe, fort de la possibilité que lui en donne le dernier paragraphe de cette résolution, demande la reprise de la dixième session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale, afin qu’elle « examine la question du mur de l’expansionnisme construit dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, par Israël, la puissance occupante ».
L’Assemblée générale qui reprend ses travaux le 8 Décembre 2003, adopte le jour même, par 90 voix contre 8, avec 74 abstentions, une résolution où elle se dit notamment « gravement préoccupée par le fait qu’Israël, puissance occupante, a commencé et continue à construire un mur dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, dont le tracé s’écarte de la ligne d’armistice de 1949, et qui a entraîné la confiscation et la destruction de terres et de ressources palestiniennes, le bouleversement de la vie de milliers de civils jouissant d’une protection [3] et l’annexion de fait de vastes parties du territoires, et soulignant que la communauté internationale toute entière est opposée à la construction de ce mur ». La résolution qui rappelle la 4e Convention de Genève et toutes « les résolutions pertinentes des Nations unies », singulièrement celles dans lesquelles il est affirmé « que les colonies de peuplement israéliennes dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, sont illégales » et celles qui « exigent la cessation complète des activités d’implantation de colonies de peuplement », prend une décision, laquelle consiste à demander à la CIJ de « rendre d’urgence un avis consultatif sur la question suivante :
Quelles sont en droit les conséquences de l’édification du mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le Territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, selon ce qui est exposé dans le rapport du Secrétaire général, compte tenu des règles et des principes du droit international, notamment la quatrième Convention de Genève de 1949, et les résolutions consacrées à la question par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale. »
C’est à cause de cette décision de consulter la CIJ que les 25 pays européens se sont abstenus. Certains pensant, comme la France, que la question ainsi soumise à l’examen de la CIJ n’est pas d’ordre juridique mais d’ordre politique et échappe donc à sa compétence, d’autres que la démarche n’est pas « opportune » car elle compromettrait… la Feuille de route. Inutile de dire que toutes ces abstentions ont fait les affaires des dirigeants israéliens.
Saisine et calendrier de la CIJ
Le Secrétaire général des Nations unies transmet aussitôt la résolution du 8 Décembre 2003 au Greffe de la CIJ. Celle-ci rend, le 19 Décembre, une ordonnance qui organise la procédure qu’elle observera pour émettre son avis : l’organisation des Nations unies, ses Etats membres ainsi que la Palestine - « ...compte tenu du fait que l’Assemblée générale a accordé à la Palestine un statut spécial d’observateur et que celle-ci est coauteur du projet de résolution demandant l’avis consultatif... » - sont invités à déposer avant le 30 Janvier 2004 leurs observations écrites et motivées sur la question qui lui est soumise. A leur demande, la Ligue des Etats arabes et à l’Organisation de la Conférence islamique, « susceptibles de fournir des renseignements sur la question... », sont autorisées participer à la procédure et donc à présenter à la Cour un exposé écrit et à participer aux audiences.
Ces exposés sont confidentiels, à moins que la Cour ne décide de les publier. En déposeront avant la date-limite du 30 Janvier 2004, l’ONU, 44 de ses Etats membres (7 pays africains dont l’Afrique du Sud, 7 pays arabes, les USA, le Canada, la Suisse, Israël, la Russie, l’Indonésie, le Japon, le Brésil, Cuba, 14 pays européens dont l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie, le Royaume-Uni et l’Irlande, celle-ci ayant apporté deux contributions, une au nom de l’Union européenne qu’elle préside, l’autre au sien propre ) la Palestine, la Ligue des Etats arabes et l’Organisation de la Conférence islamique.
Seulement quelques-uns de ces pays (12) ou organisations interviendront oralement, lors des audiences des 23, 24 et 25 Février 2004 (soit cinq demi-journées de trois heures) ; Israël, qui conteste la compétence de la CIJ sur la question posée, n’a pas souhaité y participer, pas plus que les membres du quartette. Compte tenu de l’intérêt suscité par l’affaire dans l’opinion publique et les médias du monde entier, la Cour a décidé la retransmission en direct sur internet de ces audiences publiques.
Le dossier de la Cour transmis par l’Assemblée générale de l’ONU est constitué de 74 pièces parmi lesquelles les 12 résolutions prises par l’Assemblée Générale de l’ONU dans le cadre de sa dixième session d’urgence ouverte le 25 Avril 1997 sur les « mesures illégales prises par Israël à Jérusalem-Est et dans le reste du Territoire palestinien occupé », les autres résolutions pertinentes de l’Assemblée générale, celles du Conseil de sécurité (16 à partir de la 242 du 22 Novembre 1967), 4 rapports du Secrétaire général, les rapports récents de deux rapporteurs spéciaux de la Commission des droits de l’homme (John Dugard et Jean Ziegler), ainsi que les instruments et documents internationaux généraux (la Charte des Nations unies et les deux Pactes de 1966, la 4e Convention de Genève, la Convention relative aux droits de l’enfant...) Un impressionnant inventaire de textes internationaux et de décisions des organes des Nations unies imperturbablement ignorés par Israël depuis des décades qui pèseront lourd dans la balance de la CIJ.
Les enjeux politiques
La CIJ, en se penchant sur les conséquences juridiques de la construction du mur sera sans doute amenée à traiter de la question des colonies et de la délimitation géographique de l’Etat d’Israël, ce qui pourrait aboutir à un début de contrôle de la communauté internationale sur les agissements d’Israël au-delà de ses limites géographiques...
Mais l’enjeu le plus important tient au fait que s’il est vrai qu’il ne s’agit que d’un avis de la CIJ, cet avis n’est pas une simple opinion. Dans cet avis, la Cour dira le droit de façon argumentée avec une autorité que nul ne conteste. Il faut donc s’attendre à ce que l’impact sur les opinions publiques internationales et israélienne soit fort et que, au cas où l’avis conclurait à l’illégalité du mur, il renforce l’impact des résolutions de l’ONU sur le conflit et légitime l’action des Etats qui décideraient de prendre des sanctions contre l’Etat d’Israël si celui-ci continuait dans la même voie. C’est pourquoi la décision de l’Assemblée générale de l’ONU de saisir pour avis la CIJ et les multiples réactions qu’elle a entraînées au sein de la communauté internationale ont fait craindre au gouvernement israélien que cet avis constitue un « premier pas vers une sud-africanisation [4] d’Israël, boycotté et isolé, devenant un paria parmi les nations [5] » .
On peut d’ailleurs se demander comment l’Union européenne pourrait continuer à ne pas prendre en considération la résolution du Parlement du 10 avril 2002 prônant la suspension de l’accord d’association entre Israël et l’Union européenne si la CIJ rendait un tel avis et si Israël continuait de ne pas se conformer aux résolutions de l’ONU.
Quelle que soit la réponse de la CIJ, elle sera déterminante dans l’évolution de l’opinion internationale.
Les positions en présence
La Palestine : « dire » le droit international
Les Palestiniens ont formé un groupe d’experts juridiques, parmi lesquels des étrangers, présidé par Nasser al-Qedwa, représentant permanent de la Palestine aux Nations unies. Dans une interview accordée au journal Al-Ahram hebdo des 11-17 férier, le juriste palestinien, spécialiste de droit international, Kamal Qobaa explique la position défendue par les Palestiniens. Ils mettent en avant le fait que le mur est construit en territoire palestinien occupé. Les dispositions du droit international humanitaire interdit aux autorités d’occupation de modifier la structure géographique ou démographique ou même topographique de la région occupée. Ils insistent sur les aspects économiques de la question et sur le fait qu’Israël essaie de s’emparer des ressources, notamment en eau, en particulier les nappes phréatiques, de la Cisjordanie. D’autre part, les Palestiniens démontrent que le mur représente une violation des principes qui régissent les territoires occupés du point de vue politique. En changeant sa configuration, Israël prend des mesures visant à influencer l’avenir politique de ces territoires compromettant la possibilité de mise en œuvre de l’autodétermination du peuple palestinien. Enfin le mur constitue une violation de tous les droits humains des Palestiniens et de leur souveraineté sur leurs ressources naturelles. C’est une menace pour leur avenir.
Quant à la compétence de la CIJ dans cette affaire, le juriste palestinien considère qu’aucun Etat n’a le pouvoir d’objecter à un avis consultatif de la CIJ dès lors qu’il ne s’agit pas d’arbitrer un conflit entre protagonistes mais de donner un avis quant au respect du droit international.
Israël : déserter l’audience, boycotter la Cour
Le gouvernement israélien, quant à lui, prétend que la question du mur n’est pas juridique mais politique et donc qu’il n’est pas de la compétence de la CIJ. Il a fait pression sur les Etats qui avaient voté contre la résolution (8) ou s’étaient abstenus (74, dont les Etats membres de l’Union européenne) pour qu’ils disent et écrivent la même chose à la CIJ. Le gouvernement israélien, qui a envoyé un mémoire écrit à la CIJ, a décidé de ne pas se rendre devant elle.
Auparavant, Israël avait déjà tenté, sans succès, de faire invalider un des juges, de nationalité égyptienne, le juge Elaraby.
Israël met cependant en avant l’argument juridique de la légitime défense - il appelle le mur « clôture de prévention du terrorisme » - mais il va se heurter au reproche d’utiliser des moyens disproportionnés, comme la punition collective. Il tente également pour justifier le mur de dire qu’il est temporaire [6] . Mais en réalité, comme l’a exprimé son ministre de la Justice, Youssef Lapid, Israël considère - et sa décision de boycotter la Cour en est l’aveu - la bataille légale comme pratiquement perdue pour lui.
Il n’en est pas de même de la bataille médiatique dans laquelle le gouvernement a déjà mis beaucoup de moyens. Il s’est assuré le concours de l’agence Publicis pour « vendre » son mur et faire croire qu’il est temporaire, a payé le voyage à la Haye à 200 membres des familles de victimes d’attentats suicides pour les faire manifester, a autorisé le transport par une association religieuse ultra-orthodoxe de la carcasse du bus détruit dans l’attentat-suicide du 29 janvier dernier pour l’exhiber et frapper les imaginations. Et sur le terrain, il multiplie les effets : l’annonce d’un retrait unilatéral de Gaza, la destruction de quelques dizaines de mètres de clôture pour montrer qu’elle est temporaire, etc...tout en poursuivant à un rythme accéléré la construction du mur et les exactions dans le territoire palestinien.
L’Union européenne et les USA : contorsions et profil bas
Voici ce qu’a dit, lors du point de presse du 10 février dernier, le porte-parole du Quai d’Orsay en réponse à une question d’un journaliste :
« ... Au mois de novembre, lorsque l’Assemblée Générale des Nations unies a été saisie de cette question, à l’initiative du groupe arabe, la France et ses partenaires de l’Union européenne se sont abstenus sur cette résolution. Pourquoi ? Parce que nous avons considéré - et cela a été le fil de l’explication de vote de l’Union européenne - que saisir la Cour Internationale de Justice d’une question qui, certes, comporte des aspects juridiques mais qui est aussi une question très politique n’était peut-être pas la chose la plus opportune, à ce moment-là, qu’elle n’était pas de nature à favoriser, à conforter le dialogue entre les parties. Mais je le redis, nous nous sommes abstenus. Nous n’avons pas voté contre. C’était une position simplement guidée par une analyse politique.
La résolution a été votée par l’Assemblée Générale majoritairement. A partir de là, la Cour Internationale de Justice a sollicité les vues des Etats sur cette question. Et nous avons remis, il y a dix jours, à la Cour, de même qu’un certain nombre d’autres partenaires, un mémoire dans lequel, tout en rappelant les positions de l’Union européenne qui demeurent, nous avons dit :
1) sur la question de la compétence de la Cour : nous nous en remettons à la Cour elle-même... Autrement dit, nous lui faisons confiance...
2) dans l’hypothèse où elle se déclarerait compétente, nous rappelons la position de fond de la France sur le mur qui est une position parfaitement claire, connue depuis longtemps. Nous considérons comme illégal le tracé du mur. Tout ceci est expliqué de manière circonstanciée dans ce document qui est entre les mains de la Cour Internationale de Justice. »
Mais l’accueil réservé au Président israélien Moshé Katsav et l’annonce de la visite prochaine en France du Premier ministre Ariel Sharon au moment même où la CIJ se penche sur le dossier de la légalité au regard du droit international de l’érection par Israël d’un mur en territoire palestinien peuvent laisser rêveur !
L’Irlande a déposé deux textes devant la Cour, l’un au nom de l’Union européenne, qui exprime l’opinion selon laquelle la décision de l’ONU de la saisir est inopportune, l’autre en son nom propre dont on peut s’attendre à ce qu’elle ressemble à celle de la France.
Quant aux Etats-Unis, d’après le porte-parole du Département d’Etat, Richard Boucher, les Etats-Unis estiment que le recours auprès de la CIJ est « inapproprié » car il peut représenter un « obstacle » pour les efforts en cours pour une solution négociée entre Israéliens et Palestiniens.
Par contre des parlementaires et partis politiques de nombre de ces pays se sont prononcés et cherchent à faire pression sur leurs gouvernements respectifs pour qu’ils s’expriment clairement sur l’illégalité du mur. C’est dans cet esprit que le député Jean-Claude Lefort (PCF) s’est rendu à La Haye au moment de l’ouverture de la session du Tribunal. En Grande Bretagne, le 13 janvier 2004, 157 membres du Parlement britannique ont remis une pétition demandant à Israël l’arrêt de la construction du mur et appelant le gouvernement britannique à utiliser tous les moyens à sa disposition pour exiger d’Israël l’arrêt de la construction de ce mur. Le parti socialiste irlandais a demandé au gouvernement de participer à la procédure de la CIJ. Une délégation irlandaise s’est depuis rendue dans les Territoires palestiniens et a appelé l’Union européenne à intervenir pour arrêter la construction du mur. Des réactions ont eu lieu en Allemagne, en Italie, aux Pays Bas…
La mobilisation citoyenne
Peu après le début de la construction du mur (juin 2002), les Palestiniens concernés par ce mur se sont mobilisés pour en dénoncer les effets dévastateurs (confiscation et destruction de leurs terres, limitation à la circulation, à l’accès aux soins, à l’éducation, aux moyens de subsistance) et ont rejoint les militants des organisations pour une mobilisation populaire : la campagne contre le mur de l’apartheid. Cette campagne est axée sur quatre objectifs :
– arrêt de la construction du mur ;
– destruction des parties déjà construites ;
– restitution des terres confisquées pour le mur ;
– compensations pour toutes les pertes subies du fait de la construction du mur.
C’est cette résistance palestinienne au mur qui a attiré l’attention des médias et a aidé à mettre le problème du mur à l’agenda international avec une condamnation internationale du mur dès le milieu de 2003 par des organisations de défense des droits humains, des agences de l’ONU et par des gouvernements jusqu’à ce que l’Assemblée générale de l’ONU se saisisse de la question.
Le Pengon (coordination d’associations palestiniennes) qui a piloté cette campagne, a appelé la société civile européenne à créer un forum populaire à la Haye, parallèlement aux audiences de la CIJ, pour développer l’information du public et des médias à la fois sur les procédures et sur les faits. A partir du 21 février 2004, les ONG palestiniennes, israéliennes et européennes ont pu y présenter leurs rapports, leurs arguments juridiques et leurs outils de sensibilisation.
Le Pengon appelle à une mobilisation identique dans le reste de l’Europe.
Les organisations pacifistes israéliennes ont appelé à une mobilisation et envoyé un mémoire à leur gouvernement pour qu’il soit joint à titre de contribution.
En France, plusieurs actions ont eu lieu ou auront lieu de février à mai 2004.
La Plateforme des ONG françaises pour la Palestine a appelé toutes les organisations qui participent à la campagne internationale contre le Mur à se mobiliser et à intégrer à leur action l’événement que constitue la saisine de la CIJ par l’Assemblée générale de l’ONU, notamment dans l’interpellation des élus.
Les grandes organisations internationales humanitaires, comme la Comité International de la Croix Rouge CICR, « neutre, impartial et indépendant », dont il faut rappeler qu’il est « gardien » du droit international humanitaire, ou Amnesty International, ont publié des communiqués argumentés se prononçant clairement sur l’illégalité du mur [7]
Les associations palestiniennes qui ont lancé cette campagne pour la survie du peuple palestinien, les autorités palestiniennes qui mènent la bataille juridique pour obtenir sinon la justice, au moins le respect du droit international, sont ainsi soutenus par les forces vives des sociétés, sur lesquelles les pressions politiques et économiques n’ont pas de prise, elles sont soutenues par des organisations qui ne peuvent pas être soupçonnées de parti pris. La décision de la CIJ est importante pour les Palestiniens qui ont besoin qu’on leur dise le droit, et pour nous tous parce qu’elle sera le test de la validité du droit international, c’est-à-dire des instruments que s’était donnés le monde après la seconde guerre mondiale pour tenter de réguler sa marche selon des principes universellement reconnus et l’empêcher de sombrer de nouveau dans la barbarie.